Saint Jacques nous a lâché en tandem

Résumé Le reste du monde ! y compris la plaine ;-)

Bertrand Membre non connecté

Le 12/06/2017 à 17h32

#9521

40 ans, c’est l’heure des choix, il faut savoir où on va, d’où l’on vient et qu’est-ce que l’on va faire. À 40 ans, ma femme m’a offert un tandem, extra elle est. Après 25 ans de vie commune à dormir côte à côte, nous nous sommes mis en ligne l’un derrière l'autre comme une soirée un peu sexy, à part qu’ il n'y avait de sexy que le cuissard moulant qui nous habillait et que c’est moi qui suis devant.

Direction, Tours, pour se faire le chemin de Saint-Jacques-de-Compostelle de Tours à Bordeaux, première expérience pour nous, de ce vélo un peu bizarre que l’on regarde avec envie et que les couples regardent, pour certains, avec horreur.

Nous, depuis le temps que l'on se connaît, c'est plutôt dans les galères que l'on s'est soudés, donc on s'est dit que le tandem était le choix idéal, encore que, on savait pas à quoi s'attendre avec ce genre d'engin et la semaine passée nous a donné du fil à retordre.

Le tandem en question est de super bonnes compositions, quoi que, fabriqué par un malvoyant, mais bon visiblement il a pignon sur rue donc et c'est pour cela qu'on l’a choisi. On a même essayé et rencontré le designeur autant dire que c’était déjà l’aventure.
Pour ce qui est de la remorque, on s'est dit que finalement prendre un anglais qui s’est expatrié au Portugal ce serait le top, et donc que les Portugais savent tracter la caravane comme personne et c’est donc vers OXTAIL que l’on s’est tournés.

Pour rejoindre Tours, déjà il te faut un véhicule adapté, le one way de nos jours fait parfaitement notre affaire, mais quand chez HERTZ, ils m’annoncent que la voiture louée n’est pas disponible et que l’on passe sur un modèle plus gros mais berline, je commence à me dire que le mètre avec ce vélo bizarre est à mettre dans la sacoche de selle tout le temps.

Escale à Clermont Ferrand, célèbre et belle pour la nuit, et là dès que tu vides la bagnole, tu remplis une chambre d’hôtel en moins de 2, pour les faibles d’esprit il y a un jeu de mots.

Bref, tu deviens, avec ton vélo à 4 pédales, et ce n’est pas un char de la love parade, l’attraction principale de la place publique de l’IBIS budget.

Nous finissons donc à Tours le lendemain midi, avec autant d’expérience en tandem qu’un boutonneux qui dormirait au formule 1 accompagné pour la première fois.

On a testé le tandem la semaine avant sur route, ça bombarde, il est top, stable, rigide comme on voulait (enfin comme je voulais) et confortable (comme elle voulait). Le titane c’est magnifique et confortable, déjà on est dans le bon compromis.

Première constatation, avec ou sans la remorque, c’est pas pareil.

Sans, tu te prends vite pour Vatanen sur la montée de Pike Peaks.

Avec, tu ressembles à Miguel camionneur Portugais, à te demander comment tu vas tourner dans une rue à sens unique en plein centre ville de Marseille un matin à 08h00.

Il te faut lire le topo guide, et là mauvaise pioche, c’est toi qui a la carte, et pas Elle derrière.

Depuis que l’on fait du raid en moto et en 4x4, de toute façon, j’ai avec moi une navigatrice chevronnée qui lit une carte mieux que la plupart des couillus, et qui te repaire un artisan bijoutier à Plouc le Zouc un dimanche soir à 20h00.

Avec Elle, je ne me suis jamais perdu, il n’y a pas de raison que cela change, mais devant je serre les fesses, non pas que la selle me fasse mal, mais parce que le guide qu’elle a entre les mains s’appuie allègrement sur mon arrière train.

Départ de la cathédrale, c’est bioutifoule, longe le Cher, croise la Loire, déjà, ils ont mis 2 rivières alors pour se repérer c’est dru.

Une chance que l’élu local a fait construire un tas de pistes cyclables de livraison.

Ben oui, c’est bien connu, moi qui pensait qu’il n’y avait que dans le Chud que le warning est assimilable au parking, ici aussi, le livreur se pose au gré de vos envies d’acheteurs compulsifs Amazonien à cheval sur la piste cyclable.

On quitte la Loire, on traverse la route pour longer le Cher.

Et c’est là que tout a basculé.

En fait le tandem a vu la pente, il s’y est engagé comme de rien, une arme de guerre. Et derrière Miguel avec son semi remorque a suivi.

Arrivé sur la piste cyclable, j’entends un grand bruit de frottement.
Je pensais que ma moitié avait reculé à bloc pour éviter de faire un soleil et que le fond de son cuissard frottait sur le pneu. Mais non, c’est le timon de la remorque qui ponce le pneu, ou l’inverse, je ne sais pas, en tout cas, il y a contact, c’est pas aussi médiatique que le retour de Thomas Pesquet sur Terre, mais là, il a fallu cogiter un moment.

Abandonner : NON, ce verbe fait définitivement partie des mots que l’on utilise après avoir essayé toutes les solutions.

Ma grand mère m’a toujours dit : ne baisse jamais les bras. Du coup j’ai passé le bac les bras levés, le concours de Marine marchande aussi, et j’ai toujours eu du mal à trouver une table à ma hauteur.

Bref, je fais un brain storming avec moi même, une réunion du G1, et trouve comme solution de caler une chambre à air pour rehausser la remorque.

Je me mordrais bien les boules à ce moment là mais ça fait mal, et je ne comprends pas qu’avec 28 kg de charge pour 40 KG nominaux et 70 maxi j’ai tout plié.
On remonte et ça repart. Direction Mars, presque comme dans la pub.

Il fait une chaleur à mourir, et d’ailleurs, on va visiter un nombre incalculable de cimetières pour refaire le plein d’eau.

Et je sue, non pas à cause de l’effort, mais à cause de la réflexion. Trop musclé Jean Pierre…

Plus on avance et plus je trouve que la moyenne baisse, et au pire on force. Si je ne me trompe pas, le tube plie comme celui de Rocco a la fin du film de samedi soir sur C+ et ça frotte sur le pneu.

Au hasard d’une pause, je farfouille dans un chantier de construction et me dégotte 2 plaques de 8mm d’épaisseur qui remplaceront ou s’ajouteront à ma chambre à air ce soir à l’étape.

Entre temps, ma navigatrice me cherche partout dans les pages jaunes un ferronnier, un maréchal ferrant, un grand père, n’importe qui avec un fer à souder et de la baguette de 2,5mm, avec mes plaques, je vais te faire une ostéosynthèse digne du professeur Sissoko, célèbre marabout, guérisseur, sorcier et professeur diplômé des hôpitaux de l’université de Paris 32.

Enfin on arrive au camping 70 bornes d’avalées, mais l’étape me reste en travers.

On pue, mais le pire de tout, c’est que ça pue pour la suite. Et même un stick large Menen n’y suffira pas.
Une heure de bricolage, 10 rilsans et un bon morceau de scotch plus loin, je suis content de ma réparation, si ça tient, c’est top. posé 2 plaques, calé avec du bois, recousu le tout, le marin ne sort jamais sans sa bite, son couteau et un rouleau de scotch ou au pire une ficelle. C’est bon j’avais tout cela en poche.

Le professeur Sissoko a encore montré ses talents ce jour, vraiment il est fort.

La bière ce soir à un goût de victoire. Je suis fier d’Elle, navigatrice hors paire, cycliste qui donne le meilleure d’elle même, on est pas mal.

Le lendemain, on repart, la matinée se passe bien, jusqu’à ce trou vache à la sortie de la piste cyclable en arrivant à Châtellerault.

Le timon est descendu, le tube a fini de ce cintrer et mes espoirs avec. Je cale avec du bois, on repart, le tube plie encore, c’est la panne, la débandaison papa ça ne se commande pas disait l’autre, mais là, ça se prévoyait, à force de trop tirer dessus, tout part en couille.

On est jeudi de l’ascension, rien d’ouvert, personne, on décide quand même d’aller jusqu’à l’église St Jacques, réparer avec un cierge ? Cela m’a traversé l’esprit.

C’est l’abandon, le truc qui me fait mal au bide, assis sur le parvis de l’Eglise, les gens nous disent bonjour, nous on voudrait fondre comme des cierges allumés et se cacher.

Il faut donc prévoir le rapatriement vers où ? La maison ? Bordeaux où l’on prévoyait d’aller ? Où ?
Après un nombre incalculable de réflexions et un sommet du G2, et je peux vous dire que ça fumait sévère, on choisit la maison. Quand tout va mal, on veut rentrer chez soi.

Mais là, ça merde dans les grandes largeurs :

Voiture de location : rien avant lundi et l’on est jeudi. On rend celle prévue à Bordeaux pour revenir.
Hôtel à Bordeaux, rien, tout est plein car le seul train c’est pour demain.

Et alors là, la SNCF a été le summum.

Pour rentrer :

Châtellerault – Bordeaux TGV – changement de train – Toulouse TGV.

Que celui qui n’a jamais pris le train avec un tandem et une remorque un jeudi de l’ascension lève la main !

Moi, oui, oui, moi là au fond, ici monsieur le contrôleur.

Que c’est mal mon garçon, tu descendras à tous les arrêts du train avec ton tandem que tu as calé devant la porte des WC et vas te mettre à cueillir des prunes payées en CB, c’est de saison.

Et que celui qui n’a jamais changé de train en 18 minutes chrono à Bordeaux un jeudi de l’ascension lève la main !

Moi, ici, moi, là par là. Et c’est reparti, presque on ferait les gros titres du baveux du coin :
« Un couple prend le TGV avec tandem et remorque un viaduc de l’ascension ! »

Presque aussi gros qu’une saisie d’une tonne de drogue dans les quartiers Nord de Marseille.

La cerise sur le gâteau ?

Alors, pour nous finir, il n’y a pas de train entre Toulouse et Marseille avant lundi à cause de travaux sur les voies….

Je finis chez ma grand mère à Toulouse, où je vais trouver enfin un poste à souder, des baguettes, du tube, bref de quoi passer ma rogne et m’apercevoir que le tube a été mal extrudé et en avoir un autre sous garantie en 3 jours depuis le Portugal.

Le retour Toulouse Marseille sera plus calme, mais même le trans cité n’accepte pas les tandems, ni les remorques qu’on se le dise, bande de voyous sur roues.

Comme dit ma grand mère : des fois tout merde normalement et il faut savoir raison garder.

Conclusion, j’ai profité d’elle pendant 3 jours, j’ai baissé les bras pour l’embrasser car comme tout bon marin, au port on est bien.

Les cons ça ose tout les cons, c'est même à ça qu'on les reconnaît.